Le temps presse, et les appels à l’action des scientifiques se multiplient. Récemment, les dégâts causés par le changement climatique sont apparus avec encore plus d’acuité. Des tempêtes tropicales et des incendies ont ravagé l’Italie et une bonne partie du Sud de l’Europe cet été. New York vient de subir des inondations dévastatrices. Les dommages causés par une augmentation de la température mondiale de plus de 1,5 °C ne sont plus de l’ordre de la spéculation. Cette semaine, les glaciologues ont annoncé dans la revue Nature que la fonte des glaces en Antarctique était irréversible. C’est fait. En Californie, deux importantes compagnies américaines ont annoncé qu’elles ne souscriraient plus de nouveaux contrats d’assurance, pour des biens immobiliers appartenant à des particuliers ou des entreprises. Et les émissions de carbone n’ont même pas encore atteint leur maximum. En 2022, elles ont encore augmenté.
Pourtant, même dans ce contexte, il est inquiétant de constater que certains responsables politiques se détournent de la lutte contre le changement climatique. Aux États-Unis, l’ancien président Donald Trump, qui est actuellement le principal candidat du Parti républicain à l’élection présidentielle, est depuis longtemps sceptique à l’égard de l’action climatique. La Chine se lance dans une nouvelle frénésie charbonnière. Les récentes élections en Suisse ont révélé des gains considérables pour l’Union démocratique du centre, climatosceptique, et des pertes importantes pour les Verts. En Allemagne, les Verts ont récemment sombré dans les sondages, tandis que l’AfD, climatosceptique, a fait un bond.
Mais nulle part l’évolution défavorable à l’action climatique n’est plus claire qu’au Royaume-Uni, où le remarquable consensus sur le changement climatique qui existait depuis l’adoption de la loi sur le changement climatique en 2008 semble s’effriter. Le parti conservateur de Rishi Sunak semble essayer de faire du changement climatique un sujet de discorde politique. L’exemple le plus frappant a été donné fin septembre, lorsque le gouvernement a annoncé qu’il repoussait de 2030 à 2035 l’interdiction de vendre de nouvelles voitures à essence et diesel, dans le cadre d’une approche “pragmatique” et “proportionnée” de l’objectif “zéro émission”.
À la suite de cette édulcoration des plans d’action du gouvernement britannique, un groupe d’investisseurs représentant plus de 1 500 milliards de livres sterling d’actifs a écrit publiquement à Rishi Sunak pour lui faire part de sa “profonde inquiétude” face à l’annonce faite par le Premier ministre. Ils ont demandé “une approche cohérente et globale de la transition économique, étayée par des politiques détaillées”.
Que se passe-t-il ici ? Les investisseurs deviennent-ils soudainement politiques ? Non. La défense des intérêts des investisseurs en matière de changement climatique n’est pas politique. Elle est au contraire au cœur de la mission des investisseurs, qui consiste à agir au mieux des intérêts à long terme de leurs clients.
Qu’il s’agisse d’entreprises ou d’hommes politiques qui ne prennent pas les mesures nécessaires pour lutter contre le changement climatique, il ne faut pas s’étonner de voir les investisseurs dénoncer cette situation et faire pression pour que les choses changent. Nous le faisons pour nos clients et nos bénéficiaires. Nous faisons notre travail. L’investissement responsable n’est pas politique, il constitue une réponse libre du marché à une réalité scientifique et économique.
Je remercie vivement Al Gore, Generation Investment Management LL, Nicolas Mathieu qui ne me connaît pas mais que je suis assidument dans ses prises de paroles, ainsi que la grande communauté des signataires des UN PRI (Principles for Responsible Investors), sources inépuisables de connaissances et d’inspiration.
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